La septième marche de l'escalier grinçait depuis aussi longtemps qu'il pouvait se souvenir. Il avait pris l'habitude de l'éviter, passant de la sixième à la huitième lorsqu'il rentrait tard le soir, soucieux de ne réveiller personne dans la maison. Aucune envie d'affronter le courroux de sa mère, toujours revêche lorsqu'on la tirait du sommeil. Encore moins le désir de justifier pourquoi il était resté dehors jusqu'à trois heures du matin... " Je n'ai rien à me reprocher, mais tu ne peux pas comprendre, il y a tant de choses qui ne peuvent être accomplies pendant les heures ouvrables"
Cette nuit là, il était sans doute préoccupé, distrait, et lorsqu'il atteignit la cinquième marche, il lança sa jambe gauche un peu plus loin pour éviter, croyait il, le passage fatidique. Le fracas fut épouvantable. Il s'assit le coeur battant sur la marche au dessus. Après quelques minutes il lui fallut bien se rendre à la raison : personne ne s'était éveillé.
Il en ressentit une sorte d'amertume.
- "Il faut vraiment que je ne compte pas beaucoup pour eux. Personne ne se soucie de moi. Personne ne me comprend...
- Pas même toi !" murmura le rat familier qui s'était assis à côté de lui, le faisant sursauter.
Il décida d'aller dormir, se demandant s'il n'avait pas un peu abusé de l'herbe.
.Marguerite Duras C'était mercredi dernier. On peut le récouter en allant sur franceculture.fr
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