C'est mercredi, c'est première fois et cette semaine, c'est Cathy qui a lancé l'idée : « Je propose le souvenir d'une boutique ou d'un commerçant de notre enfance, ça vous dit ? » Eh bien banco ! C'est vrai que nos premiers pas dans le commerce sont déterminants et que les souvenirs affluent. Je vous ai déjà raconté l'épicerie buvette de Madame Chouzenou dans le village de mon enfance, j'ai aussi, dans un autre lieu, inventé Monsieur Yacine l'épicier chez lequel j'aurais aimé acheter des roudoudous. J'ai évoqué la boulangerie de Nantes, en 1956, quand le gros pain était vendu 54 Francs ! Je ne crois pas vous avoir déjà parlé de la boulangère de Marseille que nous appelions Madame ”Bien le merci„ puisque c'était sa formule pour nous souhaiter l'au revoir. pas plus que de madame Amiel, notre proche voisine épicière où la famille avait un compte ouvert...
Non, ce ne sont pas ces souvenirs là que j'ai envie ce soir d'échanger avecvous,Zette, Mhf, Orfeenix, Joufflette,Cortisone, Hadalalibella, Julien, Chris,
Petit Scarabée , Cathy, Jean-Michel , Justine mais d'un autre que je n'ai pas voulu vous proposer comme thème, tant il me semble tiré par les cheveux, même s'il est, vous pourrez le constater en rapport avec le commerce :
La première fois où j'ai été choisi comme cadeau d'anniversaire !
C'est il y a déjà longtemps, quand je travaillais comme éducateur auprès d'adolescents déficients mentaux. Nous menions alors un travail en équipe, tant le personnel éducatif , les intervenants thérapeutiques ou sociaux que les administratifs avec pour objectif d'accompagner, dans la mesure du possible, vers l'univers du travail ces grandes personnes chez qui le handicap maintenait un comportement de très jeune enfant... Nous tentions de parvenir à des apprentissages utiles en installant une relation de confiance qui passait nécessairement par une dimension affective. Pour cela nous veillions, en dehors des ateliers, à établir les bonnes relations sociales que nous jugions aussi importantes que les connaissances techniques, pour ces jeunes gens qui avaient tant de difficultés à les acquérir.
Nous étions donc une "école technique" qui devait piloter des personnes dont le comportement était souvent plus proche de l'école maternelle que de l'école d'ingénieur, beaucoup ayant de grandes difficultés d'élocution, quand ils n'étaient pas totalement mutiques. Nous avions coutûme de leur souhaiter leur anniversaire, tant pour le côté chaleureux de cette célébration que pour souligner l'importance de grandir, de vieillir et d'en être conscients. Cette année là, nous avions convenu de leur demander de choisir le cadeau d'anniversaire que nous leur offririons, chacun, selon son niveau, nous le demandant oralement, voire par écrit pour les plus "débrouillés" ou bien nous désignant dans un catalogue ou dans un journal illustré l'objet de ses rêves.
Lorsque l'anniversaire de S. arriva, pour bien fêter ses 18 ans nous lui avons donc demandé ce qu'il voulait qu'on lui donne. C'était un grand garçon très gentil, même s'il n'était pas vraiment performant. Il parlait vraiment très peu. Nous pensions donc que son choix serait difficile et nous avions préparé les catalogue habituels pour lui montrer différentes images en attendant qu'il montre son intérêt pour l'une d'elles. La suite des événements ne manqua pas de nous surprendre. S. s'est en effet montré beaucoup plus détérminé que nous l'avions supposé. Dès que la question lui fut posée, il tendit son index vers moi en me nommant, ce qu'il faisait très rarement :
—« Luc ! »
(Ne me dites pas que je ne suis pas un cadeau, j'en suis bien persuadé.)
Nous avons donc cherché à lui faire exprimer un autre choix :
—« Tu n'aurais pas envie d'un disque, d'un jeu, d'un habit ?», mais il ne démordait pas de sa première demande
—« Luc ! »
Nous nous sommes donc concertés en équipe. Non, je n'allais pas m'offrir à S. ce qui ne correspondait ni à mes aspirations ni à mes capacités et n'était absolument pas compatible avec le règlement de l'école ! Il fallait pourtant répondre à cette demande beaucoup plus affirmée que nous l'avions supposée. Il fut donc convenu que j'emmènerai S. choisir un gâteau et c'est ce qui fut fait. Nous avons pris le bus B jusqu'à la rue de la Paroisse à Versailles et nous nous sommes régalés ensemble de pâtisseries et de thé chez Gaulupeau, un salon de thé réputé.
Ça reste un excellent souvenir pour moi, et je serais curieux de savoir si S. s'en souvient aussi. Je ne pense pas que je le saurai jamais !