La première caractéristique de l'espèce humaine, ce qui la définit le mieux, ce à quoi elle peut être résumée, c'est son formidable égoïsme. Pour illustrer cette certitude je ne veux d'autre exemple que notre relation à la mort.
Si l'on en croit les paléontologues, cela fait plusieurs millions d'années que les hominidés sévissent sur la planète terre. Même si l'on considère que l'homo sapiens (homme savant) n'est ici que depuis à peu près deux cent mille ans, il a eu amplement le temps de découvrir les relations interindividuelles, voire de les analyser.
Depuis ces millénaires, nous avons pu constater, ressentir, mesurer qu'à chaque fois que quelqu'un mourait cela provoquait chez ses proches de la tristesse, voire du désespoir, de la désolation. J'enfonce des portes ouvertes, me direz-vous, tout ce que je raconte là est d'une totale banalité, je n'apprend rien à personne. C'est vrai et je tiens à m'en excuser auprès de vous. La vacuité de mon propos ne fait qu'accentuer ma stupeur et mon incompréhension : comment se fait il que nous continuions à mourir, alors que nous savons qu'à coup sûr cela provoquera les larmes de ceux que nous déclarons aimer ?
Prenons l'exemple de Lucy découverte en Ethiopie en 1976. Elle n'a sans doute jamais été vieille, pourtant à coup sûr, elle a vu mourir des parents, des amis, peut-être des frères et des sœurs.
Comme elle faisait partie des hominidés, déjà, il y a plus de trois millions d'années, elle a certainement ressenti le chagrin de ces disparitions. Pourtant elle est morte à son tour. Tant mieux direz vous, monstres que vous êtes, c'est ce qui a permis de retrouver son squelette, ce qui nous a permis de progresser dans notre connaissance des origines de l'humanité. Laissez moi rire, elle ne pouvait en aucune façon supposer la curiosité de descendants aussi lointains, par contre elle était parfaitement consciente de la peine qu'elle provoquait autour d'elle, ce qui me permet d'affirmer qu'elle est morte par pur égoïsme , ce qui contribue à la faire figurer dans notre espèce.
Nous continuons à mourir, comme si cela n'avait aucune importance, c'est incompréhensible, sauf à considérer que l'humanité est une chose bien méprisable.
Il ne sont pas nombreux les êtres humains qui aient choisi de s'insurger contre la mort. Je pense en ce moment à Georges Brassens qui dans Les Funérailles d'antan envisageait le cas échéant de "ne pas mourir du tout"