Défi n° 57 "HOMOPHONIES "
Proposé par Nounedeb
Le jeu des « homophonies approximatives » proposé très régulièrement chez « les Papous dans la tête » sur France-Culture m’inspire l’idée de ce défi :
Imaginez une histoire à votre façon, qui doit commencer par la phrase « Le chameau était lancé » tiré de Tartarin de Tarascon d’Alphonse Daudet, et se terminer par la phrase homophonique* de votre choix.
Commencez par trouver une phrase homophonique à « Le chameau était lancé», puis tricôtez un texte pour relier les deux (laissez libre court à votre fantaisie !). Si vous avez plusieurs phrases, vous pouvez les glisser dans votre récit pour corser l’exercice.
* Une phrase qui ressemble le plus possible à la première uniquement par les sons. Exemple : La crue du Tage : La bru du mage -- L'élu du stage...
Postez votre texte pour Lundi 13 Juin à 8 heures
« Le chameau était lancé » Pierre Bormayet, le maire de Rimadon La Chapelle commençait un des discours filandreux dont il était friand. Depuis plus de trente ans qu'il régnait sur la petite commune, il avait pris l'habitude de noyer le poisson par de longues péroraisons creuses dont il était persuadé qu'elles faisaient illusion. Personne ne mettait en doute sa parole. Si l'on ne comprenait pas tout ce qu'il disait, c'était qu’on n’était pas assez intelligent pour suivre les méandres de sa pensée. En fin, quand je vous parle de noyer le poisson, il aurait mieux valu ce soir évacuer le poison ! On aurait aimé qu'il évoquât la situation en termes simples plutôt que prononcer une allusion biblique qui laissa tout le monde pantois : "le soleil lécha Moïse et ses pensées". Quel pouvait être le rapport entre cette allusion sibylline et la collecte de déchets toxiques dans le vieux village ?
Mireille se retenait de bâiller. Elle connaissait suffisamment le chameau pour savoir qu’il allait comme toujours finir par convaincre le conseil. C’est elle qui, dès le lendemain, devrait découvrir les solutions techniques pour que cette puanteur ne soit plus qu’un mauvais souvenir. Ensuite il lui faudrait encore le convaincre de les appliquer et c’est comme toujours lui qui en tirerait le profit. Ah ! le chameau est un triste fat mais il a toujours su s’entourer de gens compétents, ce qui a permis son exceptionnelle longévité politique. Quel dommage qu’il les méprisât à ce point ! Mireille ressentait un peu d’amertume. Elle avait vite compris qu’il n’y aurait rien d’intéressant à retenir de ce long discours et n’écoutait plus tout en restant apparemment attentive. On n'apprend pas ce genre d'attitude dans les écoles d'administration, mais une simple question de survie vous permet de les découvrir, de les inventer très rapidement. Elles font partie de la panoplie de tout secrétariat général qui se respecte. Son imagination l’entraînait déjà loin de la salle du Conseil municipal. Pourquoi tout le monde l’appelait il le chameau ? Le sobriquet était ancien. Ce ne pouvait être « moche » en verlan. D’abord les garnements de Rimadon ne pratiquaient pas ce langage cryptique il y a si longtemps, et puis l’adjectif ne s’appliquait pas : Monsieur le Maire avait dû être joli garçon, il gardait beaucoup de charme malgré l’usure du temps. Il n’était pas bossu non plus. Il était maintenant un peu vouté mais on ne lui trouvait aucune ressemblance avec quelque camélidé que ce soit. Ou bien alors à un lama : il avait tendance à beaucoup postillonner lors de ses emballements... C'était sans doute une allusion à son caractère difficile. Encore une approximation, on l’aurait appelé chameau car on le découvrait rosse ! Ou bien, pourquoi pas, son aptitude à toujours retomber sur ses pattes en prononçant des phrases emphatiques lui avait valu d’être comparé à un chat-mot …
La séance enfin terminée, elle ne perdit pas de temps en civilités et sortit rapidement de la Mairie. Sur la place, le chat de la concierge passait, l’air accablé. De toute évidence, le chat morne était lassé. Le sourire que lui tira cette idée aurait pu surprendre, mais elle était seule sur le perron. Il faisait un peu frais, elle releva son col, et prit son téléphone : « Jean-Paul, c’est enfin terminé. Je suis épuisée, je rentre tout de suite et je n’ai plus qu’une idée : dénouer mon écharpe molle et t’enlacer ! »
La coupe maison, on y a tous droit enfant ;-)
C'est vrai, qu'est ce que je suis banal !